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Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t1, trad. Délerot.djvu/360

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mais il le rabat tout de suite autant qu’il lui est possible. Il ne peut pas lui pardonner d’avoir tourné en ridicule l’affectation des femmes savantes, et il est probable, comme un de mes amis l’a remarqué, qu’il sent que, s’il avait vécu de son temps, il aurait été un de ceux que Molière a voués à la moquerie. — Il ne faut pas le nier, Schlegel sait infiniment ; et on est presque effrayé de ses connaissances extraordinaires, de sa grande lecture. Mais cela n’est pas tout. Même dans la plus grande érudition, il n’y a encore aucun jugement. Sa critique est essentiellement étroite ; dans presque toutes les pièces il ne voit que le squelette de la fable et sa disposition ; toujours il se borne à indiquer les petites ressemblances avec les grands maîtres du passé ; quant à la vie et à l’attrait que l’auteur a répandus dans son œuvre, quant à la hauteur et à la maturité d’esprit qu’il a montrées, tout cela ne l’occupe absolument en rien. À quoi bon tous les artifices employés par le talent, s’ils ne servent à nous faire voir à travers la pièce l’aimable ou le grand caractère de l’auteur ? C’est là seulement ce qui passe dans le peuple pour le former. — Dans la manière dont Schlegel traite le théâtre français, je trouve tout ce qui constitue le mauvais critique, à qui manque tout organe pour honorer la perfection, et qui méprise comme la poussière une nature solide et un grand caractère. »

« — Il est juste en revanche pour Shakspeare et Calderon, dis-je, et montre même pour eux un goût prononcé. »

— « Tous deux sont des hommes sur lesquels on ne peut jamais dire assez de bien, mais je n’aurais pas été étonné de voir Schlegel les outrager pareillement de ses insultes. Il est juste aussi pour Eschyle et Sophocle ; cependant je crois qu’il les loue, non parce qu’il a une