je m’arrête. Si maintenant un nuage chargé d’eau paraît, même quand le baromètre est élevé et que le vent d’est souffle, ou bien si le ciel est pur par un vent d’ouest, je ne m’en inquiète pas et cela ne trouble en rien ma foi à la grande loi ; seulement j’en conclus qu’il existe encore, avec celle-ci, d’autres lois agissantes, que l’on ne peut pénétrer tout d’un coup[1]. Je veux vous dire quelque chose qui pourra vous servir de règle dans la vie. Il y a dans la nature de l’accessible et de l’inaccessible. Il faut bien faire la distinction et la respecter. C’est déjà beaucoup de bien savoir combien il est difficile de distinguer partout où l’un cesse et où l’autre commence. Celui qui l’ignore se tourmentera peut-être toute sa vie pour toucher l’inaccessible, sans jamais se rapprocher du vrai. Mais celui qui fait cette sage distinction se bornera à l’accessible, et en parcourant cette région dans tous les sens, en s’y fortifiant, il pourra même conquérir une petite partie de l’inaccessible, tout en restant toujours prêt à avouer que nous ne pouvons approcher certains objets qu’à une certaine distance, et que la nature garde toujours derrière elle un problème que les facultés humaines ne sont pas capables de résoudre. »
Nous rentrâmes un peu trop tôt pour nous mettre immédiatement à table, et, avant le dîner, Goethe me montra la gravure d’un paysage de Rubens[2]. C’était une soirée d’été. À gauche, au premier plan, on voyait des ouvriers qui revenaient des champs vers leur maison ; au