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Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t1, trad. Délerot.djvu/440

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continuâmes notre causerie. Je racontai à Goethe un rêve curieux que j’avais fait étant enfant, et qui s’était accompli littéralement le matin suivant. J’avais élevé trois petites linottes ; je les aimais de toute mon âme. Elles voletaient à travers ma chambre, et venaient se poser sur ma main, dès que j’entrais. Un matin, une d’elles, au moment où j’ouvrais la porte, sortit et s’en alla je ne sais où. Je la cherchai toute l’après-midi sur tous les toits, et le soir j’étais inconsolable de n’avoir pas aperçu la moindre trace. Je m’endormis le cœur attristé, et le matin j’eus le rêve suivant. Je me voyais cherchant autour des maisons voisines mon oiseau perdu. Tout à coup j’entendais sa voix, et je l’apercevais sur un toit. Je l’appelle, il a le désir de venir vers moi pour manger, mais il n’ose pas cependant se poser sur ma main. Je cours alors chez moi, je prends sa tasse de millet, je la lui montre, il revient, et j’ai la joie de le ramener dans ma chambre. — Je m’éveillai là-dessus. Il était déjà jour ; je m’habille aussitôt, et je n’ai rien de plus pressé que d’aller là où j’avais vu mon oiseau. Combien suis-je étonné en l’y trouvant réellement ! Tout se passe absolument comme dans mon rêve. Je l’appelle, il s’approche, mais sans oser venir sur ma main. Je vais chercher sa graine, et je le ramène.

« — Cet événement est certes très-curieux, dit Goethe, mais il est cependant très-naturel, quoique nous ne puissions en saisir la clef. Nous marchons tous au milieu de secrets, entourés de mystères. Nous ne savons pas ce qui se passe dans l’atmosphère qui nous entoure, nous ne savons pas quelles relations elle a avec notre esprit. Mais il y a une chose certaine, c’est que dans certaines circonstances notre âme, par certains organes, a plus de