Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t1, trad. Délerot.djvu/456

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à leur aise et qui se faisaient nourrir par les vieux rouges-gorges. Cette trouvaille me rendit extrêmement heureux. « Puisque vous êtes si adroits, dis-je, puisque vous savez si joliment vous tirer d’affaire, et que les bons rouges-gorges vous ont accueillis si bien, je ne veux pas le moins du monde troubler une hospitalité si amicale, et je vous souhaite tout le bonheur possible. »

« — C’est là une des meilleures histoires sur les oiseaux que j’aie jamais entendues, dit Goethe. Touchez-là, et mes bravos pour vous et pour vos heureuses observations ! Celui qui les entend et ne croit pas à Dieu, à celui-là Moïse et les prophètes ne serviront à rien. C’est là ce que j’appelle la toute-présence de Dieu ; au fond de tous les êtres il a déposé une parcelle de son amour infini ; et déjà dans les animaux se montre en bouton ce qui, dans l’homme noble, s’épanouit en fleur splendide. Continuez vos études et vos observations ! Vous paraissez y avoir une chance toute particulière et vous pourrez par la suite arriver à des résultats inappréciables. »

Pendant que, devant notre table de pierre, nous avions ainsi une conversation sur ces grands et sérieux sujets, le soleil s’était approché peu à peu du sommet des collines qui s’étendaient devant nous à l’occident ; Goethe décida notre départ. — Nous traversâmes vite Iéna, payâmes notre aubergiste, et, après une courte visite chez les Frommann, nous partîmes pour Weimar.

Jeudi, 18 octobre 1827.

Nous avons ici Hegel, que Goethe estime beaucoup, quoiqu’il ne puisse prendre goût à quelques-uns des fruits produits par son système de philosophie. Il a donné ce soir en son honneur un thé auquel assistait aussi