Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t2, trad. Délerot.djvu/104

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d’une autruche, voilà pourquoi, sur le Bloksberg, il apparaît sous cette forme[1]. »

Je demandai à Goethe si Lavater avait du goût pour l’étude de la nature, comme on le supposerait presque d’après son Traité de physiognomonie, — « Absolument aucun goût, me répondit Gœthe ; il n’avait de goût que pour les idées morales et religieuses. Tout ce que la Physiognomonie de Lavater contient sur le cerveau des animaux est de moi. »

Nous causâmes alors des Français, des leçons de Guizot, de Villemain, de Cousin, et Goethe parla avec une haute estime du point de vue de ces écrivains, de la manière libre et directe dont ils considéraient tout et de leur marche nouvelle vers les buts qu’ils poursuivent. — Il dit : « C’est comme si, jusqu’à présent, on n’était arrivé dans un jardin que par des chemins sinueux et détournés, ces hommes sont assez hardis et assez libres pour renverser les murs et bâtir à leur place une porte qui conduit immédiatement à l’allée centrale du jardin. »

Cousin nous amena à parler de la philosophie indienne, « Cette philosophie, dit-il, si les rapports des Anglais sont exacts, n’a rien qui nous soit étranger ; bien au contraire, elle répète toutes les époques que nous avons traversées nous-mêmes. Nous sommes sensualistes, aussi longtemps que nous sommes enfants : idéalistes, quand nous aimons et que nous mettons dans l’objet aimé des qualités qui, vraiment, n’y sont pas. L’amour chancelle, nous doutons de la fidélité, et nous devenons sceptiques sans nous en douter. Le reste de la vie se passe dans l’indifférence ; nous laissons les choses aller comme elles veulent, et

  1. Dans le Faust, seconde partie, scène iv.