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sent bonnes ; il est aveugle pour elles, et ne voit pas leurs défauts. — C’est la chère Amsterdam de sa jeunesse que Pierre le Grand voulut rebâtir dans sa capitale, à l’embouchure de la Neva, absolument comme les Hollandais ont toujours cherché dans leurs possessions lointaines à bâtir une nouvelle Amsterdam[1].

Lundi, 13 avril 1829.

Aujourd’hui, après bien des excellentes paroles de Goethe dites pendant le dîner, je me suis encore donné pour dessert la contemplation de quelques paysages de Claude Lorrain. — « La collection, dit Goethe, a pour titre : Liber veritatis ; elle pourrait aussi bien s’appeler Liber naturæ et artis, car la nature et l’art se trouvent là à leur plus haut degré et dans leur plus belle alliance. »

J’interrogeai Goethe sur l’origine et sur les maîtres de Claude Lorrain. — « Son maître le plus immédiat fut Antonio Tasso, mais celui-ci était élève de Paul Bril ; ce sont donc les maximes de ce dernier qui servirent de base à son éducation et qui, pour ainsi dire, fleurirent avec lui, car ce qui chez ces maîtres paraît sévère et dur s’est développé chez Claude Lorrain et s’est transformé en grâce sereine et en aimable aisance. — Aller au delà était impossible. — Mais il est bien difficile, à propos d’un si grand talent, qui a vécu dans une époque si remarquable et dans un tel entourage, de dire quel a été son maître.

  1. Dans une lettre à Zelter, il ajoutait : « Quand c’est la nécessité qui établit des hommes au milieu de marécages, comme les Vénitiens, ou bien quand c’est le hasard qui les conduit maladroitement dans un endroit incommode, comme les Romains, alors le fait est excusable, mais de son plein gré, choisir un emplacement aussi funeste, comme l’a fait le grand empereur, c’est là un bien triste exemple du principe de la monarchie absolue. »