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mais alors a lieu une violente explosion ; les apparitions s’en vont en fumée et Faust tombe à terre frappé de paralysie.

Dimanche, 3 janvier 1830.

Goethe m’a montré un Keepsake anglais de 1830, orné de très-belles gravures et de quelques lettres très-intéressantes de lord Byron. Goethe avait pris pendant ce temps la dernière traduction française de Faust, par Gérard[1] : il la feuilletait et paraissait lire de place en place.

« D’étranges idées me passent par l’esprit, dit-il, quand je pense que ce livre a encore de la valeur dans une langue dont Voltaire a été le souverain, il y a plus de cinquante ans. Vous ne pouvez pas penser tout ce que je pense, car vous n’avez aucune idée de l’importance qu’avaient dans ma jeunesse Voltaire et ses grands contemporains, et de leur domination dans le monde moral. Ma biographie[2] ne fait pas voir clairement l’influence que ces hommes ont exercée sur ma jeunesse ainsi que la peine que j’ai eue à me défendre contre eux, à prendre ma vraie position et à considérer la nature sous un jour plus vrai. »

Nous continuâmes à parler de Voltaire, et Goethe me récita le poëme les Systèmes, ce qui me montra combien dans sa jeunesse il avait dû étudier et s’approprier toutes ces œuvres.

La traduction de Gérard, quoique en grande partie en prose, fut louée par Goethe comme très-réussie. « En allemand, dit-il, je ne peux plus lire le Faust, mais dans

  1. De Nerval.
  2. Vérité et Poésie.