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l’histoire d’Angleterre. En tout cas, dans ce grand procès historique, c’est une voix qui ne devait pas manquer[1]. D’ailleurs, j’aime bien entendre sur Napoléon les opinions les plus opposées. Je lis dans ce moment l’ouvrage de Bignon, qui me semble avoir aussi une très-grande valeur. »

Dimanche, 24 janvier 1830.

« J’ai ces jours-ci, m’a dit Goethe, reçu de notre célèbre ingénieur des mines de sel de Stotternheim[2] une lettre qui a un début curieux. « J’ai fait une expérience, écrit-il, qui ne sera pas perdue. » Or, quelle est cette expérience ? Il ne s’agit de rien moins que d’une perte de mille thalers au moins. Il n’avait pas assez soutenu le puits qui conduit à la couche de sel ; les terres se sont écroulées, et il faut une opération coûteuse et difficile pour réparer l’accident. Il va falloir introduire à douze cents pieds des tubes de métal, pour empêcher que l’accident ne se renouvelle. Il aurait dû prendre tout de suite ces précautions et les aurait prises, si, comme tous ces gens-là, il n’avait pas une témérité dont on n’a pas d’idée, et dont il faut être doué pour risquer une pareille entreprise. Mais le voilà tout tranquillisé, et il écrit sans s’inquiéter : J’ai fait une expérience qui ne sera pas perdue. C’est vraiment là un homme qui fait plaisir à voir ! sans se plaindre, il reprend tout de suite son équilibre et son activité. Que dites vous de cela ? N’est-ce pas fort joli ? »

  1. Goethe a encore parlé de cet ouvrage, soit dans sa correspondance, soit dans ses fragments. Les quelques mots adressés ici à Eckermann résument parfaitement tout ce qu’il a dit ailleurs.
  2. Goethe a écrit une poésie à propos de cette mine de sel, la première qui ait été creusée dans le grand-duché de Weimar.