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les formes et l’exposition françaises, est au fond resté toujours Allemand, et il ne ferait pas bien dans une traduction. »

Dimanche, 7 mars 1830.

À midi chez Goethe. Il était aujourd’hui très-vif et très-bien portant. Il me dit qu’il avait été obligé de quitter un peu sa Nuit de Walpurgis, pour finir sa dernière livraison d’Art et Antiquité. « Mais, dit-il, j’ai eu la précaution de m’arrêter lorsque j’étais encore bien en train, et à un passage pour lequel j’ai encore bien des matériaux tout prêts. De cette façon, je me remettrai à l’œuvre bien plus aisément que si je ne m’étais arrêté qu’au bout d’un développement épuisé. » Nous avions le projet de faire une promenade avant dîner, mais nous nous trouvions si bien tous deux à la maison, que Goethe fit dételer. Frédéric venait d’ouvrir une grande caisse qui arrivait de Paris. C’était un envoi du sculpteur David (d’Angers) : des portraits en bas-relief, moulés en plâtre, de cinquante-sept personnages célèbres. Frédéric mit ces médaillons dans plusieurs tiroirs, et ce fut pour nous un grand plaisir de contempler tous ces personnages intéressants. Je désirais surtout voir Mérimée ; la tête nous parut aussi énergique et aussi hardie que son talent, et Goethe y trouva quelque chose d’humoristique. Dans Victor Hugo, Alfred de Vigny ; Émile Deschamps, nous vîmes des physionomies nettes, aisées, sereines. — Mademoiselle Gay, Madame Tastu et d’autres jeunes femmes auteurs nous firent également grand plaisir. La tête énergique de Fabvier rappelait les hommes des siècles passés, et nous revînmes à lui plusieurs fois. Nous allions d’un personnage à l’autre, et Goethe ne put s’empêcher de répéter à plusieurs reprises qu’il devait à David un trésor dont il ne pouvait