Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t2, trad. Délerot.djvu/235

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d’où était venu le coup. En général on était ici très-bien disposé pour moi, aussi je cherchai de côté et d’autre sans pouvoir deviner d’où était partie cette parole haineuse. Tout à coup je vis clair. Je rencontre dans la rue de petits garçons de ma connaissance qui ne me saluent pas comme ils en avaient autrefois l’habitude. Ce fut assez pour moi, et je découvris bientôt que c’étaient leurs parents qui avaient si méchamment mis leur langue en mouvement contre moi. »

Dimanche, 21 mars 1830.

Je vais bientôt partir pour l’Italie avec le fils de Goethe. Le voyage est décidé depuis quelques jours. Aujourd’hui, à dîner, Goethe m’a dit en causant de ce voyage : « Ne vous faites pas trop d’illusions. On revient d’habitude tel que l’on est parti, et même il faut se garder de rapporter des idées qui ne conviennent pas à notre situation. Ainsi moi j’ai rapporté d’Italie l’idée des beaux escaliers, et par suite j’ai évidemment abimé ma maison, car les chambres sont trop petites maintenant. L’important, c’est d’apprendre à se dominer. Si je me laissais aller, je serais disposé à bouleverser et moi-même et tout ce qui m’entoure. »

Nous causâmes ensuite de l’état maladif du corps, et de l’influence réciproque que le corps et l’esprit exercent l’un sur l’autre.

« On ne saurait croire, dit-il, la puissance que l’esprit exerce sur la conservation du corps. Je souffre souvent de pesanteurs dans l’abdomen, mais la volonté et l’énergie de la partie supérieure me maintiennent en mouvement. — Mais que l’esprit ne fasse pas de mal au corps ! Ainsi je travaille plus facilement quand le baromètre est