Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t2, trad. Délerot.djvu/241

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dirigé par Madame de Goethe, et où écrivent non seulement les habitants de la ville, mais aussi et surtout les jeunes gens anglais, français et tous les étrangers qui séjournent ici, de telle sorte que presque chaque numéro offre un mélange des principales langues de l’Europe.

« C’est une très-jolie idée de ma fille, dit Goethe, et elle mérite des éloges et des remerciements pour avoir fondé ce journal très-original et avoir su si bien maintenir l’ardeur dans notre société, que le journal dure déjà depuis un an[1]. Ce n’est, à la vérité, qu’un jeu de dilettantes, et je sais très-bien qu’il n’en sortira rien de grand et de durable, mais ce n’en est pas moins joli, et là se trouve pour ainsi dire le miroir de notre société Weimarienne, aujourd’hui arrivée à un si haut degré de culture intellectuelle ; et puis, et c’est là le point principal, il y a plusieurs de nos dames et de nos messieurs qui ont bien envie de produire quelque chose, mais qui ne savent pas au juste quoi ; ce journal est un centre intellectuel qui leur offre des sujets de discussion, d’entretien, et les défend en même temps contre les niaiseries creuses du commérage. Je lis chaque numéro dès qu’il sort de l’imprimerie, et je puis dire que, en général, je n’ai encore rien trouvé de mauvais, et il y a au contraire çà et là de très-jolies choses. Quelle critique adresser, par exemple, à l’élégie de madame de Bechtolsheim, sur la mort de Madame la grande duchesse ? N’est-ce pas une très-jolie poésie ? Le seul reproche que je puisse lui faire, à elle comme à la plupart de nos jeunes dames et de nos jeunes messieurs, c’est que, pareils à des ar-

  1. On ne recevait le journal qu’à la condition d’y écrire. Goethe lui-même y a inséré plusieurs petites poésies. Chaque numéro devait renfermer un échantillon de trois langues au moins.