Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t2, trad. Délerot.djvu/246

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ne devenaient rien du tout, celui-là est bien forcé peu à peu de perdre l’enthousiasme et l’envie d’exercer ainsi son influence. C’est à vous, maintenant, jeunes gens, de jouer les Mécènes et de prendre mon rôle. »

* Mercredi, 13 octobre 1830.

Goethe m’a montré des tableaux où il a écrit en latin et en allemand beaucoup de noms de plantes pour les apprendre par cœur. Il m’a dit avoir eu une chambre tapissée tout entière de pareils tableaux, qu’il avait étudiés et appris en se promenant le long des murs. « Plus tard on les a blanchis, et je les regrette. J’avais de même une autre liste chronologique de tous mes travaux pendant une longue suite d’années ; j’y inscrivais à mesure les travaux nouveaux. Mais elle a été aussi recouverte, et je le regrette bien, car elle me rendrait justement dans ce moment-ci de bien grands services. »

* Mercredi, 20 octobre 1830.

Une petite heure chez Goethe pour causer, de la part de Madame la grande duchesse, sur un écu d’argent armorié que le prince doit donner à la Société des tireurs à l’arbalète, dont il est devenu membre. Nous parlâmes bientôt d’autre chose, et Goethe me pria de lui dire ce que je pensais des saints-simoniens.

« L’idée principale de leur doctrine, répondis-je, paraît être que chacun est obligé de travailler au bonheur de tous, s’il veut être heureux lui-même. »

« J’aurais cru, répondit Goethe, que chacun devait commencer par soi-même et faire son propre bonheur, d’où résulterait immanquablement le bonheur général. Cette théorie saint-simonienne me paraît en général