Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t2, trad. Délerot.djvu/257

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quand il s’agit de donner des conseils. Au fond, d’ailleurs, demander des conseils, c’est de la sottise, et les donner, c’est de la présomption. On ne doit conseiller que là où l’on est partie active. Si on me demande un conseil, je dis que je suis prêt à le donner, mais à la condition qu’on ne le suivra pas. »

Nous revînmes au Nouveau Testament. « Quand on n’a pas lu depuis longtemps les Évangélistes, dis-je, on est toujours étonné de la grandeur morale des personnages. Dans ces hautes exigences imposées à notre force de volonté morale, on retrouve une espèce de commandement absolu[1]. » — « Vous trouverez surtout le commandement absolu de la foi, que Mahomet a poussé encore plus loin. » — « Mais d’ailleurs, continuai-je, les Évangélistes, quand on les examine de près, sont pleins d’écarts et de contradictions, et ces livres doivent avoir passé par d’étranges vicissitudes avant d’être rassemblés comme ils le sont maintenant. » — « C’est une mer à boire, dit Goethe, quand on veut pénétrer dans un examen historique et critique. Il vaut bien mieux s’en tenir simplement à ce qui est sous nos yeux, en s’appropriant tout ce que l’on y peut trouver d’utile pour son développement et son perfectionnement moral. Cependant il est intéressant de se bien représenter la scène, et sur ce point je ne peux rien vous recommander de meilleur que le livre excellent de Rœhr sur la Palestine. Ce livre a fait tant de plaisir au feu grand-duc, qu’il l’acheta deux fois ; il envoya l’exemplaire qu’il avait lu à la bibliothèque, et s’en acheta un second pour le garder et l’avoir toujours à sa disposition. »

Je m’étonnai que le grand-duc s’intéressât à ces ques-

  1. En allemand impératif catégorique.