Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t2, trad. Délerot.djvu/292

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

laissent derrière eux aucun souvenir. Le vice apparaît comme une suite des citadins, et il n’apparaît pas dans un personnage principal, mais bien dans une figure accessoire et d’une classe inférieure. Tout cela est de la plus grande beauté. »

« — Ce qui m’a plu aussi, dis-je, ce sont les rapports des maîtres avec les serviteurs. D’un côté la conduite la plus humaine, de l’autre une liberté naïve, mais aussi un profond respect, et le désir de plaire aux maîtres. Ainsi ce jeune habitant de la ville qui s’est attiré la haine de Daphnis par la pensée d’un amour dénaturé cherche à rentrer en grâce auprès de lui, quand il est reconnu pour le fils de son maître, en reprenant hardiment aux bergers Chloé et en la ramenant à Daphnis. »

« — Il y a dans tout cela preuve de beaucoup d’intelligence, dit Goethe : c’est aussi un trait excellent d’avoir conservé à Chloé jusqu’à la fin du roman sa virginité, les deux amants ne connaissant rien de mieux que de reposer nus l’un près de l’autre ; l’explication de cette conduite amène l’auteur à agiter les plus grandes idées. — Il faudrait écrire un livre entier pour bien montrer tous les mérites de ce poëme. On fait bien de le lire une fois tous les ans, on y apprend toujours, et on ressent toujours toute fraîche l’impression de sa rare beauté. »

Lundi, 21 mars 1831.

Nous avons causé de la politique actuelle, des troubles qui continuent à Paris, et de l’aveuglement des jeunes gens qui veulent prendre part aux affaires les plus graves de l’État. — « En Angleterre, ai-je dit, les étudiants, il y a quelques années, dans la question de l’émancipation catholique, ont aussi essayé d’exercer de l’influence en