Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t2, trad. Délerot.djvu/312

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mes idées avoir juste cent ans, et je ne sais pas s’il ne serait pas bon de le dire quelque part expressément. »

Nous parlâmes de la conclusion, et Goethe attira mon attention sur ce passage :

Il est sauvé, le noble membre
Du monde des méchants esprits ;
Celui qui a toujours lutté et travaillé,
Celui-là, nous pouvons le sauver ;
L’amour suprême, du haut du ciel,
A pensé à lui ;
Le chœur bienheureux va à sa rencontre
Et lui fait un cordial accueil.

« Ces vers contiennent la clef du salut de Faust : dans Faust a vécu jusqu’à la fin une activité toujours plus haute, plus pure, et l’amour éternel est venu à son aide. Cette conception est en harmonie parfaite avec nos idées religieuses, d’après lesquelles nous sommes sauvés non-seulement par notre propre force, mais aussi par le secours de la grâce divine. Vous devez avouer que cette conclusion, où l’âme sauvée s’élance au ciel, était très-difficile à composer ; et au milieu de ces tableaux suprasensibles, dont on a à peine un pressentiment, j’aurais pu très-facilement me perdre dans le vague, si, en me servant des personnages et des images de l’église chrétienne, qui sont nettement dessinés, je n’avais pas donné à mes idées poétiques de la précision et de la fermeté. »

Dans les semaines qui suivirent, Goethe acheva le quatrième acte, et au mois d’août, je vis la seconde partie de Faust brochée et complètement terminée. Goethe était extrêmement heureux d’avoir enfin atteint ce but vers lequel il tendait depuis si longtemps. « Je peux maintenant, disait-il, regarder le reste de ma vie comme