Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t2, trad. Délerot.djvu/358

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bre humeur, avait un jour exprimée devant moi : — « Nous sommes maintenant, disait-il, sur cette place de Saint-Pierre-et-Saint-Paul, tous les deux l’un en face de l’autre, et j’espère que nous nous reverrons de même ailleurs, peut-être dans Uranus ; mais que Dieu me garde d’emporter dans cet autre monde, par exemple l’histoire de mon séjour à Weimar, et le détail infini de l’existence que j’ai menée, quand je parcourais ces rues bâties le long de l’Ilm ! Un pareil présent fait à mon être nouveau serait pour moi le plus grand des tourments et le plus grand des châtiments ! »

« — Si nous voulons nous lancer dans les conjectures, continua Goethe, je ne vois vraiment pas ce qui pourrait empêcher la monade à laquelle nous devons l’apparition de Wieland sur notre planète de pénétrer, sous sa nouvelle forme, les lois suprêmes de cet univers. Le travail assidu, le zèle, l’intelligence à l’aide desquels elle s’est assimilé tant de siècles de l’histoire de ce monde, la rendent digne de tout. — Je ne serais nullement étonné, et toutes les vues que j’ai seraient pleinement confirmées, si, dans des siècles, je rencontrais un jour ce Wieland monade d’un monde, étoile de première grandeur, éclairant tout ce qui l’entoure d’un jour aimable, répandant tout autour d’elle le rafraîchissement et la joie. — Vraiment ! donner la lumière et la clarté à quelque nuageuse comète, ce serait là une mission faite pour plaire à la monade de notre Wieland. Quand on pense à l’éternité de ces monades des mondes, on ne peut accepter pour elles d’autre destination que celle de prendre une part éternelle aux joies des dieux, en s’associant à la félicité dont ils jouissent comme forces créatrices. À elles est confiée la naissance perpétuellement