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* Vendredi, 6 juin 1828.

Le roi de Bavière[1], il y a quelque temps, a envoyé à Weimar Stieler, peintre de la cour, pour faire le portrait de Goethe. Stieler, en guise de lettre de recommandation et comme témoignage de son habileté, a apporté le portrait de grandeur naturelle d’une très-belle jeune femme, mademoiselle de Hagen, actrice à Munich. — Goethe a accordé alors à M. Stieler toutes les séances qu’il demandait, et, il y a quelques jours, son portrait a été terminé.

Aujourd’hui j’ai dîné avec lui à midi. Il était seul ; au dessert, il se leva, me conduisit dans un cabinet attenant à la salle à manger et me montra l’œuvre que vient de terminer Stieler[2]. Puis, très-mystérieusement, il m’emmena dans la chambre que l’on appelle la chambre des Majoliques, ou se trouvait le portrait de la belle actrice. — « Eh bien ! n’est-ce pas, cela mérite d’être vu ! me dit-il après que nous l’eûmes examiné. — Stieler n’a pas été sot du tout ! Il m’a apporté ce gentil morceau et me l’a montré comme un appât, pour m’engager à poser et pour me faire concevoir l’espérance que son pinceau, en retraçant ma tête de vieillard, ferait naître une seconde fois comme ici une tête angélique ! »

  1. Le roi Louis. Il avait des soins très-délicats pour Goethe. L’année précédente, il lui avait témoigné son admiration de la façon la plus gracieuse. On sait que les cadeaux et les compliments que nous nous faisons le jour de la fête de notre patron et le premier jour de l’an se font en Allemagne le jour anniversaire de la naissance et le jour de Noël. Or, dans la nuit du 27 août 1827, le roi de Bavière était arrivé sans être attendu à Weimar. Pourquoi venait-il ? Uniquement pour saluer Goethe et lui remettre de sa main une décoration dans la matinée du 28, jour anniversaire de la naissance du poëte. Ce sont là des galanteries qui honorent le prince assez bien né pour en avoir l’idée.
  2. Ce portrait est aujourd’hui à la Pinacothèque de Munich.