Page:Eckermann - Conversations de Goethe, t2, trad. Délerot.djvu/78

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Que l’on ne parle plus, entre Allemands, d’extérieur et d’intérieur ; que l’Allemagne soit une pour les poids et mesures, pour le commerce, l’industrie, et cent choses analogues que je ne peux ni ne veux nommer. Mais si l’on croit que l’unité de l’Allemagne consiste à en faire un seul énorme empire avec une seule grande capitale, si l’on pense que l’existence de cette grande capitale contribue au bien-être de la masse du peuple et au développement des grands talents, on est dans l’erreur. — On a comparé un État à un corps vivant, pourvu de membres nombreux ; la capitale, c’est le cœur, et du cœur coulent partout dans tous les membres la vie et le bien-être. C’est fort bien ; mais lorsque les membres sont éloignés du cœur, la vie qui s’en échappe y arrivera affaiblie et elle s’affaiblira toujours en s’éloignant. Un Français, homme d’esprit, Dupin, je crois, a dressé une carte du développement intellectuel de la France, et teinté en couleurs plus ou moins claires ou foncées les divers départements, d’après leur culture plus ou moins avancée ; on voit les départements du sud, éloignés de la capitale, teintés en noir foncé, signe de l’ignorance épaisse qui y règne. — Ce serait un bonheur pour la belle France si, au lieu d’un seul centre, elle en avait dix, tous répandant la lumière et la vie. — Où est la grandeur de l’Allemagne, sinon dans l’admirable culture du peuple, répandue également dans toutes les parties de l’empire ? Or, cette culture n’est-elle pas due à ces résidences princières partout dispersées ; de ces résidences part la lumière, par elles elle se répand partout. Si depuis des siècles nous n’avions en Allemagne que deux capitales, Vienne et Berlin, ou même une seule, je serais curieux de voir ce que serait la civilisation allemande, et