Page:Edgar Poe Arthur Gordon Pym.djvu/34

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prouvait que nous étions en plein océan, et un bruit sourd, un ronflement, qui arrivait à mes oreilles comme d’une immense distance, me convainquait que la brise qui soufflait n’était pas une brise ordinaire. Je ne pouvais imaginer aucune raison pour expliquer l’absence d’Auguste. Nous étions certainement assez avancés dans la route pour me permettre de monter sur le pont. Il pouvait lui être arrivé quelque accident ; — mais je n’en conjecturai aucun qui m’expliquât comment il me laissait si longtemps prisonnier, sauf qu’il fût mort subitement ou qu’il fût tombé par-dessus bord ; et m’appesantir sur une pareille idée, quelques secondes seulement, était pour moi chose insupportable. Il était encore possible que nous eussions été battus par des vents de bout, et que nous fussions encore à proximité de Nantucket. Mais je fus bientôt obligé de renoncer à cette idée ; car, si tel eût été le cas, le brick aurait souvent viré de bord, et j’étais parfaitement convaincu, d’après son inclinaison continuelle sur bâbord, qu’il avait fait route tout le temps avec une brise faite à tribord. D’ailleurs, en accordant que nous fussions toujours dans le voisinage de l’île, Auguste n’aurait-il pas dû me rendre visite et m’informer de la situation ?

Tout en réfléchissant ainsi sur les embarras de ma situation déplorable et solitaire, je résolus d’attendre encore vingt-quatre autres heures, après lesquelles, si je ne recevais pas de secours, je me dirigerais vers la trappe et je m’efforcerais, soit d’obtenir une entrevue avec mon ami, soit du moins de respirer un peu d’air frais à travers l’ouverture et d’emporter de sa cabine une nouvelle