Page:Edgar Poe Arthur Gordon Pym.djvu/50

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qui étaient : … sang, — restez caché, votre vie en dépend.

Quand même j’aurais pu vérifier le contenu entier du billet, — le sens complet de l’avertissement que mon ami avait ainsi essayé de me donner, — cet avertissement, m’eût-il révélé l’histoire d’un désastre affreux, ineffable, n’aurait pas, j’en suis fermement convaincu, pénétré mon esprit d’un dixième de la maîtrisante et indéfinissable horreur que m’inspira ce lambeau d’avis reçu de cette façon. Et ce mot, — sang, — ce mot suprême, ce roi des mots, — toujours si riche de mystère, de souffrance et de terreur, — comme il m’apparut alors trois fois plus gros de signifiance ! — Comme cette syllabe vague, — détachée de la série des mots précédents qui la qualifiaient et la rendaient distincte, — tombait, pesante et glacée, parmi les profondes ténèbres de ma prison, dans les régions les plus intimes de mon âme !

Auguste avait indubitablement de bonnes raisons pour désirer que je restasse caché, et je formai mille conjectures sur ce qu’elles pouvaient être ; — mais je ne pus rien trouver qui me donnât une solution satisfaisante du mystère. Quand j’étais revenu de mon dernier voyage à la trappe, et avant que mon attention eût été attirée par la singulière conduite de Tigre, j’avais pris la résolution de me faire entendre à tout hasard par les hommes du bord, ou, si je n’y pouvais pas réussir, d’essayer de me frayer une voie à travers le faux pont. La presque certitude que j’avais d’être capable d’accomplir, à la dernière extrémité, l’une de ces deux entreprises, m’avait donné le courage (que je n’aurais pas eu autrement) d’endurer les douleurs de ma situation. Et voilà que les quelques mots que je venais