Page:Edgeworth - Contes de l enfance.djvu/226

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lui sembla que ses cheveux se dressaient sur sa tête et que ses jambes ne pouvaient plus le porter. Il se traîna sur les traces de son complice. Il ne put trouver pendant toute la nuit un seul instant de repos, tourmenté par l’horreur de son crime et par d’affreux remords. La nuit fut pour lui plus longue que d’ordinaire : et, quand avec le jour il entendit les oiseaux chanter et la joie se répandre sur toute la nature, il se trouva bien méprisable. C’était un dimanche matin. Les cloches appelaient les fidèles à la demeure du Seigneur, et tous les enfants du village, vêtus de leurs habits de fête, innocents et gais, le jeune Jean plus gai que les autres, se pressaient à la porte de l’église.

« Eh ! qu’as-tu donc, Laurent ? demanda Jean en le voyant sur la porte de la maison de son père : tu es pâle.

— Moi ? répondit Laurent en tremblant. Pourquoi dis-tu que je suis pâle ?

— Je dis que tu es bien blanc, si tu l’aimes mieux ; car tu es aussi pâle que la mort.

— Pâle ! répliqua Laurent sans savoir ce qu’il disait. Il se retourna vivement, pour éviter tous les regards : sa conscience se reflétait sur son visage, et sa faute se lisait dans ses yeux. Il eut un instant envie de se jeter aux pieds de Jean et de lui avouer son crime : il redoutait le moment où le vol serait découvert, mais soit honte, soit tout