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— Non. Pas le moins du monde…

Néanmoins Éléonore resta songeuse un moment, puis elle s’écria :

— Eh bien ! Tu n’as qu’à ne pas y aller, quoi ?

— Tu arranges ça à ta façon, toi. C’est tout simple !… Je n’ai qu’à ne pas y aller… Qu’est-ce que je ferai après ? Je serai brouillé avec le ministre. Ma carrière est fichue.

Éléonore cependant insistait :

— Moi, je ne veux pas que tu y ailles. Si tu m’aimes, tu n’iras pas.

— C’est impossible !

— Je t’en supplie, mon chéri, je t’en supplie. Reste avec moi. Tiens, on va se recoucher !…

Et, se faisant caressante, Éléonore passait ses jolis bras autour du cou de son amant.

Mais Edgard ne se laissa pas tenter. Pour la première fois il restait insensible aux caresses de sa maîtresse.

Celle-ci alors changea de tactique :

— Ah ! je vois bien ce que c’est. Tu as assez de moi. C’est un prétexte pour me quitter. Tu t’es dit : « Quand je serai à Château-du-Lac, elle sera loin de moi, je pourrai m’en débarrasser à mon aise. » Eh bien ! mon petit, on ne se débarrasser pas de moi comme ça. Je te jure que je t’empêcherai d’aller à Château-du-Lac, ou, si tu y vas, que je t’en ferai revenir…

— Voyons, ma chérie, sois raisonnable, ça ne peut pas durer longtemps.

— Je ne veux pas, moi, que tu ailles à ce Château-du-Lac… Je ne veux pas que tu partes…

Edgard se sentait faiblir.

Il comprit que s’il restait une minute de plus, il ne résisterait pas à sa maîtresse.

Aussi prit-il un parti héroïque.

— Non, dit-il avec énergie, je dois partir.

Et il se dirigea vers la porte.

Éléonore l’appela :

— Edgard, tu m’abandonnes… Où vas-tu ?

— Je vais où le devoir m’appelle.

Et, fermant la porte derrière lui, il dégringola l’escalier.

— Ah ! le cochon ! s’écria la jeune femme, le cochon ? Il me le payera.

Elle sonna sa femme de chambre :

— Vite, Emma !… Habille-moi tout de suite… Je suis très pressée.

Une heure plus tard, Éléonore sautait d’un taxi devant la porte de son amie Irène d’Ambleuse.

À la bonne qui vint lui ouvrir, elle demanda :