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CONTES DU « JOURNAL »

Une Séance mémorable
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Déjà, en 1922, l’opinion s’était vivement émue à la nouvelle des travaux scientifiques et de la découverte du docteur Patrice Auguérand : l’illustre savant avait-il ou non trouvé le moyen de prolonger la vie humaine ? Les preuves manquaient alors, faute d’expérimentations suffisantes. L’affaire était tombée en oubli. Mais elle vient de ressusciter, en juillet 1941, à l’occasion du mariage d’un septuagénaire avec une sexagénaire, tous deux hospitalisés à la clinique Auguérand, et remarquables par leur étonnante jeunesse. En une semaine, l’univers entier s’est passionné du problème qui se pose à nouveau. Une commission de savants a été nommée pour étudier la valeur des résultats obtenus par le praticien de Neuilly.


Le 24 juillet 1941, à l’heure dite, les commissaires délégués par l’Académie des sciences, l’Académie de médecine et la Faculté se présentèrent aux portes de l’établissement que déjà le langage populaire désignait d’une abréviation célèbre, la C. D. A., clinique du docteur Auguérand.

Malgré le soin que les savants avaient pris de ne pas divulguer l’heure de cette visite, nul ne l’ignorait dans Paris. Une énorme cohue stationnait aux abords de la villa. Au premier rang, les reporters attendaient, reconnaissables à leur appareil de télégraphie automatique, et, derrière eux, les photographes. La foule, visiblement nerveuse et impatiente, discutait ; mais ce fut pis quand les délégués descendirent des cars : aussitôt une agitation presque hostile se manifesta aux premiers rangs, et les derniers, plus braves parce qu’ils étaient moins visibles, lancèrent des coups de sifflet anonymes.

À vrai dire, depuis neuf jours, l’opinion ne se faisait guère favorable aux représentants de la science officielle, qu’on emprisonnait dans un dilemme.

— Si véritablement le docteur Auguérand a découvert depuis trente ans un moyen de doubler, de tripler la vie humaine, vous êtes coupables de l’avoir repoussé par jalousie mesquine et de nous avoir ainsi privés d’un tel bienfait ; si, au contraire, il n’est qu’un mystificateur ou un illuminé, vous avez eu le tort de ne pas couper court aux espoirs décevants qu’il entretient dans les esprits : en un cas comme en l’autre, votre devoir est d’être sûrs, et vous péchez par négligence, vous que nous payons pour savoir à notre place et qui ne savez pas !