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qu’au 1er janvier prochain. À cinq heures cinquante, le représentant d’une société londonienne, par surenchère à l’Amérique, offrait à Auguérand huit millions de livres sterling, soit deux cents millions de francs.

Le second refus du docteur porta au délire l’enthousiasme des populations. Dans toutes les langues, on se plut à reconnaître en ce noble geste le désintéressement proverbial du caractère français, qui n’avait point dégénéré. Partout on s’arrachait les éditions successives des feuilles. Toutes les villes s’agitaient dans leurs rues, les maisons étant vides, les ateliers abandonnés, les travaux suspendus. Des vieillards, que les acclamations saluaient au passage, exhibaient des faces épanouies de joie, comme si la découverte concernait exclusivement leurs personnes débiles, bien que pourtant elles dussent en profiter moins que les autres.

Puis, tout à coup, sur cette exubérance universelle, sur ces triomphantes certitudes, les grands journaux de sept heures tombèrent comme une chape de glace. La Raison venait de parler, toujours trop tard ! Une impression de dormeur qui s’éveille après un rêve fou, soudainement déconcerta les esprits encore hallucinés. Un malaise immense enveloppa le globe terrestre. Au fond des prunelles humaines, une inquiétude se levait. Le nom de Graunerr circulait en laissant derrière lui une traînée d’angoisse. De jeunes visages devenaient sombres, et l’on vit les vieillards rentrer hâtivement chez eux…

EDMOND HARAUCOURT