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— Vive la France ! À bas les Alboches !

Au même instant aussi, par une sorte de répercussion télépathique, le monde apprenait cette nouvelle : « Les émeutiers parisiens envahissent la villa de Neuilly ».

Il n’en était rien cependant. Les plus délibérés, les plus impatients et surtout les plus proches hésitaient maintenant à risquer l’aventure ; quelques-uns même lâchaient pied et s’efforçaient de gagner au large. En effet, à huit heures cinquante, le Balai avait lancé sur Neuilly un nouveau pantogramme formulé en ces termes peu rassurants : « Le Comité de l’Action Directe informe les citoyens qu’ils courront les plus sérieux dangers s’ils pénètrent dans l’immeuble des macrobiens ».

Nul n’ignorait que le Comité se fît un point d’honneur de ne jamais proférer des menaces vaines : donc, il allait agir.

— Ça va sauter !

Le majordome de la Clinique, en faction à la porte, accourut pour aviser son maître : il le trouva au milieu du salon, en compagnie de Thismonard. Le docteur répondit avec calme :

— C’est bien. Merci. Avertissez au sanatorium : qu’on l’évacue. Et retournez.

— Ouvrirons-nous les grilles à neuf heures ?

— Non.

— Si on escalade ?

— Laissez faire, et garez-vous.

Un hurlement plus furieux tonitrua au dehors : « À bas l’Alboche ! Mort aux Alboches ! »

— Monsieur entend ?

Sans plus répondre, Auguérand se dirigea vers la fenêtre et posa une main sur la paumelle. Le majordome se retira. L’impitoyable Thismonard ne sut respecter que durant vingt secondes le recueillement de son ami.