Page:Edmond Haraucourt Cinq mille ans 1904.djvu/31

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— Ah ! ah ! fit le savant : nous sommes arrivés, paraît-il, au-dessus du temple dont je vous parlais ; il était consacré, ainsi que cet indigène vient de vous le dire, à la déesse de la Fécondité, et le sommet de ses tours eût sensiblement affleuré au niveau actuel de la mer. Convient-il de voir, dans cette prodigieuse érection de pierre, une survivance du culte ithyphallique ? Peut-être.

Les Océaniens, inclinés vers l’eau, y plongeaient des regard avides ; quelques-uns croyaient discerner, au fond, des jeux d’ombres et de lumières, des reliefs brouillés comme en un rêve, et ils criaient : « Je vois ! » Mais le professeur, souriant et sceptique, fit un geste aux rameurs, qui, poussant au Sud, repartirent vers la montagne des Grands-Hommes.

— Là-haut, dit le maître, s’élevait le temple de la Patrie-Reconnaissante : les lignes en sont grandioses ; c’est avec le tombeau de Napoléon, le plus magnifique monument de l’art romain dans la capitale franque.

Les touristes débarquèrent au pied de l’îlot. Les marches du parvis, usées par le frottement des tempêtes et disloquées par les fatigues du sol, étaient cependant reconnaissables par endroits. Des bases de colonnes et des tambours gisaient dans tous les sens ; les angles de ces blocs étaient rongés des pluies, et les surfaces se rouillaient sous les plaques de lichen ; des graminées fragiles tremblaient dans les abris ; un champ de fougère s’échevelait dans l’enceinte bossuée, qu’il remplissait toute ; au Sud-Est, pour recevoir le soleil et s’abriter des bourrasques, deux masures avaient été bâties avec les pierres du Panthéon, et deux jardinets attenants égayaient cette tombe auguste avec des fleurs et des légumes.