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Page:Edmond Haraucourt Deux portraits 1900.djvu/5

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Ce fut alors un roman d’aventures, dont je ne vous conterai pas le détail : j’ai connu les émotions du policier qui file une piste, la trouve, la tient, la perd, la retrouve. Je me rappelle que le même jour, dans la même matinée, j’appris la mort de mon vieux père et je découvris le tableau : le plaisir fut plus fort que le regret. C’était bien elle, monsieur ! Les critiques peuvent hésiter, mais on ne trompe pas l’amour. C’était elle !

Plus grave, un peu plus âgée à peine, elle avait un rien de maussaderie dans les yeux comme si ma découverte, ma victoire, lui eussent causé une surprise désagréable. Je fus étonné à mon tour de constater en elle ce mécontentement, et peiné un peu, moi aussi. Elle avait une robe montante, et je ne voyais plus sa poitrine, mais je la reconnaissais sous le corsage.

Bien vite, je revins en France, je vendis la maison de mon père, et j’achetai ma femme !

Ma femme ! Elle était à moi, maintenant ! Je l’avais à moi ! Dans le compartiment du wagon, où je voyageais seul, je l’avais installée en face de moi, et je la contemplais à la lueur du quinquet, mais je la voyais mal, à cause de mes larmes. Je pleurais, tant mon bonheur était gros dans mon cœur. Elle, au contraire, demeurait grave, impassible, m’examinait, et semblait méditer.

Bien évidemment, elle se demandait :

— Que va-t-il résulter de cette nouvelle existence ?