Je ne parle ici, messieurs, qu’au point de vue abstrait, et je vous supplie de ne pas voir en mes discours des allusions qui n’y sont point. Nous examinons, à cette heure, non pas les brûlantes questions sociales de l’espèce gorillaire, mais bien les conditions passées de l’animal humain, et je dis que ce bimane, une fois arrivé à son plus noble développement, c’est-à-dire à l’équilibre parfait entre ses forces psychiques et ses forces physiques, a pu prétendre au développement exagéré de celles-là, et le rechercher au détriment de celles-ci. Un abus de ses facultés pensantes, insuffisamment équilibré par l’usage de ses facultés musculaires, a produit chez lui une hypertrophie cérébrale, concomitante à l’atrophie des membres. N’est-il pas permis de supposer que cette espèce supérieure, dans l’entraînement du travail intellectuel et de la vibration nerveuse, n’a pas su s’arrêter, et qu’elle s’est délibérément tuée, sans vouloir le comprendre, grisée qu’elle était par la puissance conquérante de son génie ?
Une telle conjecture, messieurs, vous fait sourire, en face de ce monstre : et cependant l’anatomie comparée nous propose cette hypothèse, et même nous l’impose. En effet, reprenons le squelette de l’Homme quaternaire.
Considérons cet être, son crâne : que voyons-nous ? Une boîte large, solide, en justes proportions avec la cage thoracique, avec les membres de la locomotion et de la préhension. Pour produire cette majestueuse performance, il a fallu des siècles de sélection, des milliers de siècles. Maintenant, rapprochons d’elle ce rejeton de l’avant-dernière heure, l’enfant de l’agonie.
Voyez : le crâne est devenu ridiculement vaste ; l’épine dorsale, écrasée sous ce poids qu’elle ne sait plus porter