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Page:Edmond Haraucourt derniere-neige.djvu/19

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Les appareils des Min et ceux des Teck n’avaient aucune ressemblance ni dans leurs moyens d’action, ni dans les résultats qu’on attendait de leur emploi. Le procédé des Min tendait à produire en l’objet visé une désorganisation progressive de la matière : animal ou végétal, et même minéral, tout corps était désagrégé : sans cependant perdre sa forme, il se réduisait en une poussière de molécules qui gardaient leur cohésion apparente, mais qui étaient mortes et qui s’effondraient au moindre souffle. Ce moyen de combat présentait donc le bénéfice d’être sûr et universellement efficace ; en revanche, il était d’une lenteur relative, puisque son action intégrale s’exerçait en vingt-six heures. — Le procédé des Teck, au contraire, offrait les avantages de l’instantanéité ; mais il n’atteignait que les corps organiques : il les frappait d’une mort immédiate par commotion.

Le grand conseil des Min ayant décidé la mobilisation et l’attaque brusquée à minuit 27, le généralissime et ses aides commencèrent à minuit 34 l’émission de leurs ondes. À 1 h. 16, les premières atteintes du mal étaient signalées chez les Teck. Une enquête rapide leur révéla les origines du dégât et la riposte fut aussitôt décidée. À 2 h. 43, la commotion était lancée contre les Min, qui disparaissaient du monde. La dernière guerre avait duré exactement cent trente-deux minutes.

Les Teck eurent tout juste le temps d’apprendre leur victoire avant de disparaître à leur tour : leur désagrégation se poursuivit normalement ; elle était consommée le lendemain, à l’heure prescrite. Quand le pâle soleil se leva pour la seconde fois, l’homme n’existait plus. — Car la race des humains, par qui tant d’espèces ont péri, ne doit périr, elle aussi, que par l’homme.

Edmond HARAUCOURT.
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