Page:Edmond Mandey Coeurs en folie, 1924.djvu/11

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Au contraire, c’est une agréable personne, que beaucoup envient à son mari. Trente ans, brune, de grands yeux noirs profonds qui jettent le trouble dans le cœur de tous ceux sur lesquels ils se posent. De plus, assez grande, bien faite, le poitrine rebondie sous le corsage, la jupe bien remplie, des jambes nerveuses terminées par un petit pied bien cambré. Que voulez-vous de plus ?

Est-elle fidèle ? demandez-vous.

Question indiscrète. Pourtant on peut y répondre oui avec certitude. Mme Honoré n’a jamais trompé son mari. Tel qu’il est, elle s’en est contentée toujours, jusqu’au moment où s’ouvre ce récit. Et nul n’a pu se vanter d’avoir reçu d’elle, même le moindre mot d’espoir ou d’encouragement. Les don Juan du bourg, ceux auxquels aucune ne résiste, y ont renoncé et les plus médisants n’ont jamais rien trouvé à dire sur Mme Jeanne.

Quant à la servante Adèle, c’est une plantureuse fille de vingt ans, rousse et appétissante, bien en chair, au regard brillant, aimant rire, plaisantant avec tous les clients, pas farouche, mais qu’on n’a jamais prise en faute, elle non plus, et à qui l’on ne connait pas de galant, ni de promis. Elle travaille sans se rebuter, sans se fatiguer non plus, en chantant, car Adèle est gaie, comme son maître, comme sa maîtresse.

Tout le monde est gai, par principe, dans l’hôtel des Gais Lurons.

Aussi les clients eux-mêmes, lorsqu’ils arrivent, prennent-ils l’air joyeux pour se mettre à l’unisson.

D’ailleurs, on s’empresse afin qu’ils soient contents, ce qui est la première condition pour être bonne humeur.

Et maître Honoré soigne particulièrement la table, sachant par expérience qu’une bonne chère arrosée de bons vins est la principale condition à remplir pour faire une bonne maison, établir solidement et conserver sa réputation.

On le sait et l’hôtel des Gais Lurons est renommée dans la contrée, autant pour l’excellence de sa cuisine que pour la supériorité de sa cave, où tous les crûs, et les meilleurs, sont honorablement représentés.

Dire que l’hôtel est toujours rempli et que les chambres sont toutes occupées de l’épiphanie à la saint Sylvestre serait mentir. Non, cela dépend des époques. Il y a même