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— Vous n’êtes pas à ce point irrésistible.

— Peut-être. Mais je suis le maître dans cette maison.

— Oh ! Oh ! Le maître ! Pas pour cela.

— Pour cela, comme pour autre chose.

L’entretien aurait pu se prolonger longtemps sur ce ton. Il fut interrompu par l’entrée d’un client, ou plutôt de deux clients qui venaient trinquer et réclamèrent à boire.

Heureuse de cette arrivée opportune, Adèle s’empressa au-devant d’eux.

Mais tandis qu’elle passait devant maître Honoré, celui-ci lui glissa dans l’oreille :

— À ce soir. J’y compte !

Et sur ces mots définitifs, l’hôtelier se dirigea vers sa cave où il avait à faire.

ii

Le galant Notaire


Le petit bourg où maître Honoré tenait hôtel était relié à la ville la plus proche par un chemin de fer départemental à voie étroite, une de ces lignes dites d’intérêt local sur lesquelles les trains roulent lentement, les wagons ayant l’air de pousser leur locomotive.

Dans le train qui, ce jour-là, arrivait sur le coup de six heures du soir, il y avait en tout et pour tout deux voyageurs pour la petite station desservant la localité.

Ces deux voyageurs, qui s’étaient rencontrés à la gare de la ville, se connaissaient bien. L’un était le notaire, Me Robert ; quant à l’autre, c’était une voyageuse, que nous avons déjà présentée au lecteur, dame Jeanne, la patronne de l’hôtel des gais lurons.

Mme Jeanne revenait de faire ses achats ; elle rentrait pour l’heure du dîner, heureuse et insouciante, naturellement, du danger qui la menaçait, car elle était convaincue que son époux lui gardait la même fidélité dont rien au monde ne l’eût fait départir à l’égard de son seigneur et maître.

Cela ne veut pas dire qu’elle fût prude et bégueule. Pas du tout. Aussi, lorsque le notaire s’avança à sa rencontre, la saluant fort courtoisement, lui répondit-elle le plus gracieusement du monde.