Page:Edmond Mandey Coeurs en folie, 1924.djvu/27

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— Naturellement, déclara-t-elle, ma porte sera bien verrouillée…

Mais sa patronne l’interrompit, autoritaire :

— Non, elle ne le sera pas.

— Oh ! Vous pouvez me croire, Madame. Je vous assure bien que…

Encore une fois, Mme Jeanne lui coupa la parole :

— Et moi, dit-elle, je veux que ta porte soit ouverte. Tu entends, je veux qu’il pénètre dans ta chambre, convaincu que tu lui as obéi, et que tu es prête à lui céder.

— Mais, Madame, vous n’y pensez pas… Vous ne voulez pourtant pas que je cède.

— Laisse-moi achever… Il entrera dans ta chambre, seulement… c’est moi qu’il trouvera à ta place dans ton lit.

Adèle était anéantie… Elle s’attendait bien à quelque chose, mais pas à cela…

— Vous ! s’écria-t-elle… Vous !

— Oui, moi ! Rien n’est plus facile.

Et la patronne expliqua à la servante ce qu’elle devait faire.

C’était bien simple, mais il fallait y penser.

Elles changeraient de chambre toutes les deux pour une nuit.

Mme Jeanne se glisserait dans le lit d’Adèle, tandis que la servante viendrait prendre la place de sa maîtresse dans le lit conjugal. Cela n’aurait pas d’importance puisque maître Honoré, pour cette nuit, était décidé à respecter le sommeil de son épouse. Il n’y aurait donc aucun danger qu’il dérangeât Adèle laquelle pourrait reposer en toute tranquillité, sa vertu étant bien à l’abri de toutes les entreprise de l’hôtelier.

Et lorsque celui-ci se présenterait chez la servante, au moment où il croirait tenir entre ses bras la jeune bonne qu’il convoitait, il aurait la désagréable surprise de se trouver en tête-à-tête avec sa légitime épouse, qui pourrait, tout à son aise, lui reprocher sa trahison et jouir de la confusion du mari coupable, lequel n’aurait pas pu même consommer son crime.

Cela arrangeait tout. Non seulement la vertu d’Adèle serait sauve, mais l’honneur conjugal de Mme Jeanne n’aurait reçu aucune atteinte et en plus, celle-ci aurait encore l’avantage de pouvoir reprocher à son mari son odieuse conduite.