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le sien, tels deux bons compagnons qui n’ont rien à se reprocher l’un à l’autre.

Maître Honoré se dit, de son côté, finalement, que puisqu’il ne pouvait décemment se fâcher, mieux valait faire bonne figure et paraître prendre la chose de joyeuse humeur.

— Acceptons, pensa-t-il, acceptons. C’est autant de boisson que je porterai sur la note de mon client… Et quand il aura regagné sa chambre, je reviendrai à pas de loups, retrouver cette Adèle qu’il faudra bien qui me cède !…

Et il redescendit en compagnie de son hôte, lequel le fit asseoir, le dos tourné à la porte afin qu’il ne pût jeter aucun regard indiscret sur ce qui se pouvait passer à l’intérieur du logis.

— Vous ne m’en voulez pas, au moins, dit le notaire, d’avoir pris votre tour ?… Je crois que vous n’attachez pas plus de prix qu’il faut aux faveurs d’une fille d’auberge…

— He !… He !… Oui et non !…

— Je vous la recéderai demain soir, si vous le voulez…

Ce disant, Me Robert pensait que, tandis que l’hôtelier serait occupé avec la servante, il pourrait en toute tranquillité, poursuivre le cours de ses exploits avec la patronne.

— Oh ! répondit Maître Honoré, je n’entends pas marcher sur vos brisées. Ne m’avez-vous pas dit tout à l’heure, là-haut, qu’elle vous préférait à moi ?

Et le pauvre homme poussa un profond soupir.

— Elle me préfère certainement, dit le notaire, mais je ne suis pas égoïste… C’était bien, cette nuit, parce que vous m’aviez fait prendre un excellent repas…

— Ah ! oui !… soupira encore maître Honoré, après quoi il but un verre de son vieux vin pour noyer son chagrin… Oui, c’était un trop bon repas !

— Vous le regrettez ?

— Je ne le regrette pas, parce que vous êtes un bon client et que je veux toujours satisfaire mes bons clients afin de les conserver… Mais il n’était point dit que je leur donnais après souper, le droit de jambage et de cuissage sur la servante de la maison…

Le notaire se prit à rire :

— Ce n’est pas vous qui m’avez accordé ce supplément. Je le tiens de la jeune Adèle elle-même, qui seule, il me semble a le droit d’en disposer… Elle en dispose, d’ailleurs, avec beaucoup d’amabilité, et je dois avouer que si le dîner fut