Page:Edmond Mandey Coeurs en folie, 1924.djvu/69

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Dans cette chambre dormait, nous le savons, la pauvre Adèle.

Elle dormait ou ne dormait pas, car, tout autant que la veille, peut-être même davantage, elle était en proie à une fureur jalouse. Et aussi, sa pitié pour Maître Honoré s’était encore accrue d’avoir vu tout le jour, les coups d’œils échangés entre le notaire et sa patronne ainsi que le regard brillant par lequel dame Jeanne laissait voir combien elle était heureuse.

— Cette joie qu’elle ne peut cacher, se disait-elle, elle me la vole ! Oh ! Comme j’aurais plaisir à me venger !

Pour un peu elle serait allée, afin de satisfaire ce désir de vengeance, retrouver son patron dans sa chambre solitaire, lui racontant tout, et lui disant :

— Punissez-la avec moi !

Elle n’avait pas osé faire une pareille démarche, mais avec une intuition singulière, elle s’était dit :

— Si parfois Maître Honoré était tenté de venir voir son épouse !

Il était entendu avec dame Jeanne que, pour parer à ce danger, Adèle aurait soin de tirer le verrou. Eh bien ! Elle n’avait pas tiré le verrou… même elle avait fait mieux, elle avait laissé la porte entr’ouverte, afin que si l’hôtelier venait, il n’ait qu’à entrer sans être obligé de frapper.

Tout en faisant cela, elle s’était dit :

— Après tout, on ne sait jamais !

On juge de la surprise de Maître Honoré en trouvant entr’ouverte une porte qu’il croyait bien cadenassée…

— Ma femme, dit-il, aura oublié de tirer les verrous, car je ne pense pas qu’elle attende ma visite.

Aussi, résolu aux plus grands ménagements, commença-t-il à parler à travers la porte, tout comme si elle était fermée :

— Jeanne, appela-t-il, Jeanne ! Écoute-moi, j’ai quelque chose d’important à te dire !…

Mais il ne reçut aucune réponse.

Ce n’est pas qu’Adèle ne l’eût point entendu. Bien au contraire.

Et elle avait tressailli d’émotion en reconnaissant la voix de son maître.