Page:Edmond Mandey L amant de Gaby, 1924.djvu/26

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
— 24 —

une raison pour que tu me sacrifies toujours !… Car à présent tu me sacrifies. Ah ! mon chéri ! que je suis malheureuse ! Moi qui t’aime tant, qui attends si impatiemment le moment où je vais pouvoir venir te retrouver et me jeter dans tes bras…

« Écoute… Sans te fâcher avec lui, il faut que tu trouves des raisons, des bonnes raisons pour qu’il ne te cramponne plus autant… Dis-lui que ton service te prend davantage… Mais, je t’en supplie, rends-moi nos chères journées, ces quelques heures qui coulent si vite et pendant lesquelles nous nous aimons tant… Mon Roger, pense à ta Gaby qui t’aime… Ne l’abandonne pas un petit peu plus chaque jour, comme tu le fais !… »

Qu’auriez-vous répondu à cela, surtout si un si beau discours avait été accompagné de sanglots bien placés, de tamponnements des yeux avec un gentil petit mouchoir, enfin de câlineries qui vous eussent fait sentir battre contre votre poitrine le malheureux petit cœur souffrant d’être ainsi délaissé ?…

Vous auriez fait comme Roger. Vous auriez serré un peu plus votre maîtresse dans vos bras, vous l’auriez consolée en baisant tour à tour ses cheveux blonds, son petit front, ses jolis yeux noirs et finalement les lèvres en promettant tout ce que la pauvre petite amante délaissée exigeait…

Gaby, ce jour-là, s’en retourna forte de la promesse obtenue.

Elle ne s’illusionnait pas, et elle savait bien que Roger gardait par devers lui tous ses scrupules et tous ses remords.

Mais elle savait aussi qu’il l’aimait à la folie et qu’elle avait gain de cause, toujours, lorsqu’elle éveillait les désirs de son amant.

Elle s’employa donc à l’accaparer à son tour, à le reprendre à son mari, tant qu’elle put, si bien qu’un jour — ou plutôt un soir que Roger dînait chez Trivier, ce qui arrivait fréquemment — ce fut Anselme qui se plaignit, devant sa femme d’ailleurs, de ne plus voir autant son ami :

— Que vous arrive-t-il donc ? dit-il au lieutenant… On ne peut plus vous avoir…