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Le misérable, en effet, allait prévenir, sous le couvert de l’anonymat, M. Anselme Trivier de son malheur…

Il réfléchit longtemps aux termes qu’il emploierait et finalement se rallia au texte définitif suivant :

« Boubouroche »

« T’apercevras-tu enfin, Ô Anselme Trivier, champion amateur de billard, que tandis que tu te passionnes pour les matchs retentissants du café des Sports… ton épouse file le parfait amour avec ton meilleur ami, le beau lieutenant-aviateur, Roger Brémond… Pauvre naïf… t’en a-t-il mis plein les yeux, hein ! ce lieutenant ?…

Le dénonciateur relut complaisamment cette phrase : « T’en a-t-il mis plein les yeux, » lui plut beaucoup, parce qu’il goûtait dans cette expression le plaisir de se venger des coups de poing qu’il avait reçus de Roger… le fameux jour de l’incident de la Place Pereire.

Et il concluait, rageusement…

« Tâche de les rouvrir, tes yeux, imbécile… tu t’apercevras alors que tu es cocu, et combien !… Regarde-toi dans une glace, et, à moins d’être complètement aveugle, tu ne pourras manquer d’admirer la superbe paire de cornes dont t’a gratifié ton meilleur ami… Il n’y a que toi, jusqu’ici, qui ne les aies jamais vues… »

« Un ami »

On pense bien qu’Anselme Trivier, lorsqu’il reçut cette lettre et qu’il en prit connaissance, fut partagé entre des sentiments divers.

Son premier mouvement avait été de dédaigner cette accusation ignoble et de déchirer la lettre révélatrice… C’est d’ailleurs classique, tous les maris dans son cas ont ce premier mouvement.

Mais, avant de déchirer la missive accusatrice, le mari de Gabrielle la relut encore et, malgré lui, il se sentit envahir par des soupçons.

Eu somme, c’était peut-être vrai. Oh ! ce serait monstrueux… épouvantable. Il faudrait désespérer de tout, de