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Page:Edmond Mandey Le Chateau 1910.djvu/1

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CONTES ET NOUVELLES

LE CHÂTEAU


Lorsque le comte de Roquemare n’eut plus devant lui que quelques billets de mille francs, dernières épaves de sa fortune, il se décida à vendre son château, l’antique manoir qu’avait fait construire, au temps des croisades, l’ancêtre Guy le Vaillant.

Le comte avait perdu tout son avoir dans des spéculations malheureuses, sur les conseils d’hommes de finances plus habiles qu’honnêtes. Il ne lui restait plus que trois mille francs de rente, le revenu des cent mille francs qui constituaient le prix de la vente de son château ; pour lui, c’était la misère, et il préférait cacher cette misère dans la grande ville plutôt que de paraître diminué aux yeux des paysans qui avaient conservé l’habitude de l’appeler « le Châtelain ».

Devant la difficulté de vivre avec le peu de rentes qu’il possédait encore, l’impossibilité d’ajouter à ses maigres ressources le produit d’un gain honorable, il voulut demander au jeu l’argent qui lui manquait. Il entama ainsi son capital et un jour, après une grosse perte sur un champ de courses, il ne reparut plus chez lui… Le lendemain, on repêchait son corps dans la Seine.