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Page:Edmond Mandey Le Chateau 1910.djvu/3

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Pourtant lorsqu’il eut vingt ans il fit part de ses projets à celle qui l’avait élevé : il voulait partir pour la Tunisie ; on lui offrait un emploi chez un colon et, avec ce qu’il gagnerait les premières années, il pourrait plus tard, à son tour, avoir une exploitation à lui… Mais, avant de s’expatrier, il désirait revoir une dernière fois le château de Roquemare.

La comtesse n’avait rien à refuser à son fils. Comprenant qu’elle ne pouvait s’opposer à ce qu’il demandait, elle consentit, malgré les souvenirs du passé que douloureusement ce voyage allait raviver en elle, à accompagner son enfant.

Paul marchait allégrement. Son regard s’était animé extraordinairement ; il s’arrêtait parfois pour contempler les collines boisées qu’on apercevait à l’horizon, pour chercher à distinguer, au fur et à mesure qu’on approchait, la silhouette du vieux manoir. Sa mère souriait tristement, mais, à le voir si heureux de respirer à pleins poumons l’air natal, elle oubliait le douloureux calvaire qu’elle avait gravi et que lui rappelait si vivement ce pèlerinage vers le passé. À l’orée d’un bois, une jeune fille peignait un paysage ; son tableau représentait une aile du château. Paul s’arrêta auprès d’elle. Elle ne s’effraya d’ailleurs point et répondit même de façon très gracieuse aux questions du comte. À un léger accent, le jeune homme s’aperçut qu’elle était Anglaise ou Américaine. Elle était d’ailleurs très fine et fort jolie, comme le sont souvent les Anglo-Saxonnes.