Page:Eekhoud - Kermesses, 1884.djvu/207

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complet assortiment de clous. Quel taillandier habile et invisible livrait à l’Esprit ces outils neufs d’une fabrique irréprochable ?

— Mais ces cercueils pour qui seront-ils, messire ? demanda le pitoyable gars, converti spontanément en menuisier, abordant son quatrième métier de la journée.

— Tu le sauras bientôt ! Allons, qu’on se presse.

Et pan… pan… pan… le terrassier, un massacre, agença rapidement les planches, les rabotta, les cloua. Cette opération, à sa profonde surprise, ne l’arrêtait pas plus que les précédentes.

Comme il chassait le dernier clou dans la quatrième bière, une cloche lointaine, dont le timbre rappelait celle de Langdorp, sonna les douze coups.

— Par saint Joseph, mon nouveau patron, nous finissons, pas vrai messire ? En ouvrant davantage, je commettrais un péché. Voici Noël…

Stann s’arrêta court.

L’ultime battement de minuit se prolongea répercuté par de lamentables échos. La forêt où la lune ne projetait que de faibles rayons, venait de s’éclairer d’une lueur surnaturelle, maladive, blafarde comme l’eau hideuse vue par des yeux de noyés. Et des profondeurs de la futaie sortirent à la file trois vilains gnômes, visqueux et rampants comme des limaces, rabougris, encapuchonnés, l’échine ployée chacun sous un fardeau flasque et ballotant dont Stann appréhendait de discerner la forme et la nature.

L’étrange lueur annonçant l’arrivée du déplaisant