Page:Eekhoud - Kermesses, 1884.djvu/37

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noire. La mélancolie maussade des banlieues industrielles suintait par les murs sales de ces bâtiments.

Lusse épelait, sans les comprendre, des enseignes en français qui s’étalaient en grandes lettres sur le plâtrage : « Charbon de Mariemont. — Bois du Nord. » Mais des fanfares militaires alternèrent avec les sifflets des locomotives et le fracas des manœuvres. À un dernier tournant, elle atteignit une construction en briques rouges, à prétentions féodales. C’était la caserne du Petit-Château. À la poterne, s’ouvrant dans la haute muraille, flanquée de deux petits donjons crénelés, une sentinelle se promenait l’arme sur l’épaule. Lusse accosta le factionnaire et s’informa de Rombaut Flips, milicien de la dernière levée, au régiment de carabiniers, 3e bataillon, 1re compagnie

Elle jouait de bonheur. Le factionnaire, un joufflu, coiffé du chapeau ciré à plumes de coq, était du pays d’Anvers, un campagnard de Ranst. Le costume campinois et le parler de l’étrangère lui plaisaient. Certes, il connaissait le petit Baut, son voisin de chambrée. Elle verrait bientôt le bon ami, car a l’occasion d’une inspection passée la veille à la satisfaction des chefs, l’heure de sortie était avancée. Elle, ravie, babillait avec volubilité. Sa nouvelle connaissance dut couper court à cette conversation, car des officiers allaient et venaient, et gare la consigne. La bonne pièce s’éloigna de la guérite en remerciant encore l’obligeant soldat, et arpenta le pavé d’en face. Une sonnerie éclata et le soldat fit signe que le moment du campos approchait.

Quelques minutes après, des tapées de carabiniers se