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Page:Eekhoud - Les Pittoresques, 1879.djvu/130

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Raymonne


Il s’accouda, pensif, tandis que sa mémoire
Fredonnait implacable une chanson à boire ;
Et le bruit d’un festin, les chocs, les cliquetis,
La table renversée et l’ivresse brutale,
Les hoquets des buveurs, lugubres comme un râle,
La salle des Gisors transformée en taudis,

Toute la veille enfin revint dans sa pensée :
Les cris, la bacchanale énervante, insensée,
Les convives gloutons et lascifs confondus
Avec les brocs d’argent et les hanaps ventrus,
Les serviteurs courant affairés sous les porches,
Dans l’embrasement rouge et sinistre des torches
Terni par les vapeurs fades des corps repus.

Il ne savait plus bien comment finit la fête.
Il se souvint pourtant de lourdeurs dans la tête,
De bras qui l’enlevaient et de propos narquois
Qui le félicitaient de cette chance extrême
Qu’il avait de pouvoir goûter, en un soir même,
Après vins généreux, lèvres d’un frais minois.

Entre temps le soleil se levait sur la terre,
Dans les arbres les bruits que chaque nuit fait taire