Aller au contenu

Page:Eekhoud - Les Pittoresques, 1879.djvu/146

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
110
La Guigne

Avaient beau relever leurs madrigaux d’épice,
La coquette, — il lui faut rendre cette justice, —
Les encourageait tous, n’en agréait aucun.

C’était presque un garçon par la taille élancée,
Mais de ses membres ronds nerveuse était la chair. —
Cette maigreur vaut mieux que la graisse tassée.
Demandez aux païens, car ce n’est pas d’hier
Qu’en modelant Vénus le sculpteur a vu clair…
Sa déesse au corps svelte inspire ma pensée.

Pulpe verte d’un fruit que l’on cueille avant l’août,
Avant que le soleil ait doré la pelure ;
Rebelle sous la dent, d’abord étrange au goût,
Mais dont l’âpre saveur excite la morsure,
Donne plus de plaisir qu’une chair flasque et mûre :
Tels sont les fruits d’amour que je cueille surtout.

Telle devait-elle être et plus complète encore,
Cette étrange beauté dont je vous dis le nom :
La Guigne. J’en conviens, un nom fort peu sonore ;
Peut-être aimeriez-vous mieux celui de Lénore.
Tant pis. Quant à changer, je vous dis cent fois non.
Je ne monterai pas même jusqu’à Toinon.