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LES FUSILLÉS DE MALINES

froide péniblement gagnée. Les véhicules ont peut-être été garés et les bêtes, mises à l’écurie ? Mais où, diable, alors, les campagnards cachent-ils leurs paniers de légumes, leurs jarres de cuivre, leurs mottes de beurre. Auraient-ils déjà vendu toutes leurs provisions ? Il faut le croire, car plus une feuille de chou ou une botte de carottes ne traîne sur le carreau et les marchandeuses ont cessé d’énerver les vendeurs par leurs dépréciations des lots de mauvaise défaite. Que restent fagoter alors ces pacants ? Autre bizarrerie : on ne voit que blouses et souquenilles. Ni cottes, ni bonnets blancs. Que deviennent les contadines ? De plus, depuis qu’il garnisonne dans ce pays, jamais le soldat n’a remarqué chez ces villageois allures aussi dégagées. D’où proviennent ces mines échauffées, cette débauche de gestes, cette loquacité intempestive ? Leurs gourdins jettent des lueurs étranges. On dirait des fourches, des faulx ! À quoi ces outils leur serviraient-ils bien à la ville ? Voilà qu’il distingue des fusils à présent… Mais alors, ce qu’il prenait pour un marché est une chouannerie !…