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Page:Eekhoud - Les fusillés de Malines, 1891.pdf/26

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LES FUSILLÉS DE MALINES

qui déroulent un long cortège, s’entassent houleux et compacts comme des ouailles que le chien-loup mordille aux jarrets. À présent les nuées envahissent toute la campagne d’azur. Encore une halenée, ô vent secourable ! Voilà le salut, le pain, la vie ! Les premières gouttes de pluie, les gouttes de la guilée, à la fois rondes comme des florins et aussi religieuses que l’eau bénite filtrant entre les doigts qui se signent !

Alors, pouvaient croire ces blousiers, rien de comparable à l’élan de leur reconnaissance. Quelle explosion de sauvage allégresse répondait aux crépitements de la foudre ! La terre gercée s’abreuvait à pleins sillons, pompait l’averse d’abondance par toutes ses brûlures, et les terriens dépoitraillés présentaient leur chair cortiqueuse aux lanières des lavasses, se laissaient lapider par les cataractes, se complaisaient dans les sanglades polissonnes des éléments. Trempés jusqu’aux os, c’était avec une volupté nonpareille qu’ils secouaient leurs hardes ruisselantes, trépignaient, barbotaient, sabotaient dans ce déluge ! Ils participaient de l’allégresse de la nature,