chefs, des ventrées et des rôtisseries auxquelles participèrent tous les conscrits. Ils burent et mâchèrent comme aux plus copieuses frairies de l’âge d’or, même mieux qu’à ces annuels teerdagen, à ces repas de corps des confréries prohibées par la République. Les hôtes ne comptaient, ne thésaurisaient plus ; ils traitaient prodigalement leur monde. Les meilleurs morceaux du porc ou du veau tenus en réserve, sautèrent dans les poêles ; pigeons et poulets se dorèrent à petit feu au tour régulier des broches. Avec une rondeur attendrie les parents engageaient les camarades de leurs fils à vider les plats. La grosse matérialité du festin se tempérait de mélancolie ; il participait de la cène et de ces repas que les anciens servaient aux condamnés à mort. Beaucoup de rieurs forçaient leur jactance : l’inconnu, le vague pressentiment serrait la gorge aux moins rêveurs. Il se pouvait que cette bombance fût la dernière ! Le Schalk lui-même perdait de sa verve et ses saillies ratèrent plus d’une fois. Résultat vraiment anormal de la bonne chère ! constatait le bout-en-train.
Page:Eekhoud - Les fusillés de Malines, 1891.pdf/81
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
75
LES FUSILLÉS DE MALINES