Aller au contenu

Page:Eekhoud - Raymonne, 1878.djvu/14

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
12
PARENTHÈSE.


Arrête au moins la vie, arrête la semence,
Ce serait, ô mon Dieu, faire acte de clémence
Que d’oublier la terre et de ne plus créer !
Arrête les transports d’une ardente jeunesse,
Si tu sais que des pleurs naîtront de la caresse,
Que notre volupté l’enfant doit la payer.

Et cependant l’amour traversa tous les âges,
Cruel il présidait aux sombres mariages,
Peuple, c’est le seul Dieu, que toujours tu prias !
Et tu reconnaissais sa volonté fatale
Paria, tu savais ta couche conjugale
Le berceau d’où sortaient de nouveaux parias.

Et l’amour restera le Dieu de la nature.
Qu’importe le destin qui nous livre en pâture,
Les fauves aux lacets, les vilains au seigneur !
On trouvera toujours des nids et des chaumières.
Qu’importent les berceaux plus tristes que des bières,
Qu’importe le tyran ! Qu’importe l’oiseleur !

Qu’importent les faucheurs aux moissons florissantes,
La serpette au raisin, aux têtes innocentes,
Le glaive, à l’œuf éclos les blêmes dénicheurs !
En Mars lorsque le suc de la terre s’élève
L’arbre refoule-t-il la généreuse sève ?
Chaque été les rosiers n’ont-ils point d’autres fleurs ?