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Page:Eekhoud - Raymonne, 1878.djvu/18

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LE DRAME.


Est-ce le descendant du bâtisseur superbe
Ce pâle damoiseau, svelte, élégant, imberbe ?
On dirait une femme à voir son teint nacré,
Ses lèvres s’entr’ouvrant pour montrer des dents blanches,
Le ceinturon étroit qui lui serre les hanches
Et ce stylet mignon, jouet d’un désœuvré.

Étrange est le regard de sa verte prunelle,
Éclair livide on sent qu’une fierté cruelle
Étouffa la candeur dans cet adolescent ;
Sous les yeux alanguis courent des cercles bistres,
De l’aigle il a le rostre et les instincts sinistres,
Le vice a défloré le moule séduisant.

Les cheveux parfumés tombent en boucles blondes
Ayant le chatoiement du soleil sur les ondes.
Au poing droit sur un gant, à Venise brodé,
Où le tissu soyeux finement se marie.
Aux filigranes d’or groupés en armoirie,
Il porte son faucon par le doge cédé.

— Toujours mélancolique, Amaury, mon beau sire ?
Dit une voix timide et sur son front de cire
Il sent d’un long baiser l’enivrante moiteur.
Il a levé les yeux. C’est Diane sa femme
Qui l’aime et qui voudrait rassénérer son âme,
Supporter avec lui des maux la pesanteur.