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Page:Eekhoud - Raymonne, 1878.djvu/26

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LA COMÉDIE.


Toute la veille enfin revint dans sa pensée :
Les cris, la bacchanale énervante, insensée ;
Les convives gloutons et lascifs confondus
Avec les brocs d’argent et les hanaps ventrus,
Les serviteurs courant affairés sous les porches
Dans l’embrasement rouge et sinistre des torches
Terni par les vapeurs fades des corps repus.

Il ne savait plus bien comment finit la fête.
Il se souvint pourtant de lourdeurs dans la tête,
De bras qui l’enlevaient et de propos narquois
Qui le félicitaient de cette chance extrême
Qu’il avait de pouvoir goûter, en un soir même,
Après vins généreux, lèvres d’un frais minois.

Entretemps le soleil se levait sur la terre,
Dans les arbres les bruits que chaque nuit fait taire
Se réveillaient plus gais, plus joyeux et plus fous.
Le ciel avait ces tons d’ébauche, purs et doux
Qui ne sont point l’azur et ne sont point le rose,
Mais planent entre deux comme avant d’être éclose,
La fleur n’a point de forme et n’a point de couleur
Mais est-ce tendre objet, bouton, chose éphémère
Qu’on aime d’autant plus qu’elle est plus passagère,
Car la fragilité lui donne sa valeur !
Puis, les nids s’animaient. C’était une harmonie
De becs à peine ouverts et d’ailes qu’on déplie.