Page:Elder - Le Peuple de la mer.djvu/149

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grève, à coups de poing. Double Nerf et Perchais avaient fait des rafles. Et personne n’avait songé aux morts.

Le capitaine seul de la Ville de Royan avait été pêché sous Belle-Ile par un caboteur. Il venait de mourir sans doute, après trente heures d’épouvantable espoir, durant lesquelles la mer avait roulé cette souffrance humaine avant de l’achever. Son corps, enfilé dans une bouée, était à demi scié par le frottement du liège ; il avait à chaque pied une boule de crabes qui ne lâchèrent point prise quand on le tira de l’eau.

Le brigadier Bernard avait tenté de contenir les pirates, mollement aidé par le garde-champêtre, qui fermait plutôt les yeux, et même prenait sa part en ricanant :

— Qu’ voulez-vous, c’est l’bon Dieu qui nous l’envoie !

Et pendant plus d’une semaine, une folie alcoolique secoua le village. À peine si quatre ou cinq barques sortaient tous les jours pour aller en pêche. Les mareyeurs n’avaient plus de poissons, les usines manquaient de sardines et les gérants étaient incapables de rassembler leur personnel.

La nuit on alluma plusieurs fois de grands feux sur la grève, autour desquels les gars et les filles nouaient des rondes fantastiques, tandis que des reflets d’incendie fulguraient sur l’eau du port. Et