Page:Elder - Le Peuple de la mer.djvu/209

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La mère lui avait mis de bonnes chaussettes de laine, un maillot et trois chemises dans un mouchoir. Elle couvait son gars des yeux pendant la traversée, et ne parlait que pour lui conseiller de prendre garde au froid, aux femmes, à la boisson. Perchais et ses hommes rigolaient en rappelant leur service. Mais le père Bernard ramenait toujours la conversation sur la pêche, qui est une chose sérieuse, parce qu’il ne voulait point s’attendrir et n’avait pas non plus le cœur à rire.

À Pornic ils prirent une tournée au Café des Caboteurs. Il faisait un joli temps d’avril. Le port était calme et sûr. Les hommes sentirent obscurément qu’ils ne devaient point aller à la gare. Son père et sa mère seuls accompagnèrent Florent jusque-là. Ils s’embrassèrent avec émotion.

— Porte ben ton maillot… tes foulards… répétait la bonne femme, car toutes les mères ne songent qu’à sauvegarder la chair qu’elles ont faite. Le gars riait par respect humain et faisait des projets comme il est habituel quand on s’en va. Son père parlait de devoir et d’exactitude, en se donnant en exemple.

Le train siffla, partit. La mère Bernard courut un peu le long de la portière pour voir encore son Florent. Il agita la main jusqu’au tournant. Tout essoufflée, elle pleurait silencieusement sur ses rides, des larmes de vieux, qui sont si doulou-